Le livre blanc sur la défense 2013 : consolidation et contradiction
Le livre blanc sur la défense est sorti. Au lendemain d’un séminaire européen de haut niveau où j’ai entendu des militaires européens demander des directives politiques, à l’heure où le Président de la République ne parle que d’Europe, je m’attendais à un livre nouveau. Cinq ans après le dernier livre blanc, certains y trouveront certes une dimension stratégique à 15 ans qui consolide les aspects de « sécurité », passant parfois outre certaines réalités particulières de la défense. J’y ai trouvé certains souhaits et des contradictions du fait de la façon cloisonnée dont est écrit ce livre pour lequel j’ai contribué auparavant. Je n’y ai pas trouvé la phrase qui dit que la France sera aussi ou plus forte si l’Europe est plus forte. Je me demande aussi parfois si le LB est un document de « politique générale » ou s’il reflète les états d’âmes et s’il ne pourrait pas enfin bénéficier de certaines méthodes de réflexion stratégiques et opérationnelles, très peu connues et utilisées en haut lieu.
Par François CHARLES
Economiste, conseil en stratégie et management, ancien responsable d’affaires industrielles Europe et Asie à la DGA, DESS Défense, Président de l’IRCE.
Ce livre blanc, qui réaffirme certaines positions, est raisonnable sur les moyens en réorientant sur l’essentiel, prend peu position sur l’industrie, sur les meilleures coopérations, sur une certaine façon de tirer profit de l’OTAN, ou comment mieux construire avec les autres. Les études et événements de l’IRCE et d’autres ONG tenteront donc d’y répondre. Pourtant cela commençait bien… « Ecrit avec un Allemand et un Britannique (...) cette ouverture a un sens ». Il est de plus fait état du constat de la réorientation étasunienne sur l’Asie avec une certaine demande aux Européens de se prendre en charge, de la nécessaire « capacité d’initiative et d’entraînement » française pour répondre au besoin collectif, et de la nécessité de rendre possible une « mobilisation et une coordination des ressources ». C’était sans compter hélas sur la sempiternelle façon de voir l’Europe uniquement par une vision d’ailleurs partielle de son moteur qui n’est rien sans le véhicule, et inversement.
I - La France dans le nouveau paysage stratégique. « La France reste dans le groupe des cinq ». Mais je rajouterais une interrogation quant à la prise de conscience, parfois, que nous sommes forts sur la scène internationale et européenne même face aux Britanniques et leur logique différente de défense maritime et face aux Allemands qui ont inclus la notion d’Europe dans leur constitution. Mais cette prise de conscience doit nous dire aussi que nous ne sommes qu’une partie du moteur, qu’il en manque peut-être certaines pièces essentielles et doit nous donner des cartes de négociations plutôt qu’une légitimité à faire seuls.
II – Les fondements de la stratégie de défense et de sécurité nationale. On y parle de « souveraineté » et de moyens d’influencer, de « capacités » permettant également de s’engager dans des politiques de dépendance mutuelle avec ses partenaires de l’Union Européenne ». Mais ensuite apparaissent des mots en trop, qui montrent une volonté d’Europe mais en pensant surtout à soi. On parle bien entendu d’intérêts vitaux sans les définir pour mieux les adapter aux circonstances. Je vois bien là certains propos non raisonnés de souveraineté également « globale ». La phrase magique apparait enfin mais bien tardivement alors qu’elle aurait du figurer en tète pour ouvrir le débat : « La France est prête à une plus grande spécialisation des nations européennes fondée sur la reconnaissance des pôles d’excellence ». Elle se referme ensuite bien vite pour « assurer la légitimité de nos actions » avec des « relations régies par le droit ».
III - L’Etat du monde. Trois grands facteurs dimensionnant apparaissent pour l’Europe et la France notamment pour ses missions dans l’océan indien et pacifique : la Chine, les révolutions arabes et l’évolution stratégique étasunienne qui conserve le premier budget militaire avec 41% des dépenses mondiales en 2012. Ne pourrait-on pas demander finalement ce qu’en pense l’Europe pour une présence dans ces régions au-delà d’une simple voix forte qui n’existe d’ailleurs pas ? Il est fait état de « la crise de l’euro né dans le prolongement de la crise financière » alors que notre monnaie n’a jamais été en crise et nous a au contraire protégés contre les spéculations. « L’Europe n’est pas prête à prendre le relais » mais nous posons-nous les bonnes questions et savons nous suffisamment tirer profit de l’incubateur qu’est l’OTAN ? Nous cherchons un juste équilibre entre la prise de conscience des menaces et les sentiments nationaux en cas de problème de croissance et de situation économique défavorable. Il est intéressant de lire qu’an Asie, les budgets de défense additionnés de la Chine, de la Corée du sud, de l’Inde et du Japon, sont supérieurs au budget de l’Union et que les différends territoriaux peuvent rouvrir les plaises non cicatrisées. Mais il serait peut être intéressant de s’en servir pour resserrer nos rangs au-delà d’un simple constat. Le passage sur la Russie oublie ses origines. Il manque d’une façon générale, une vraie application de la théorie des organisations. Si les menaces chimiques inquiètent toujours depuis 1916 et si les menaces informatiques et le cyberterrerisme peuvent aussi bien rassembler que diviser, le risque biologique sécuritaire est presque oublié, pourtant accru par la mondialisation. Cette photo du monde parle certes du changement climatique qui ouvre la route glacière Nord mais n’aborde pas le nucléaire civil, et surtout les volontés d’indépendance énergétiques, des risques liés à l’eau et au pétrole et oublie donc la segmentation européenne. Mais la souhaite-t-on vraiment ?
IV – Priorités stratégiques. Elles sont traditionnelles : « protéger le territoire national et nos ressortissants » mais sans parler de défense civile ni économique, « garantir la sécurité en Europe et l’espace nord atlantique », « stabiliser les approches de l’Europe ». Mais également… « Stabilité de l’Orient et du golfe persique » avec enfin un regard sur le pétrole, « politique de voisinage » notamment avec la Russie et le pourtour méditerranéen. Mais Cette fois-ci le Pacifique est oublié. Allez savoir. On y parle aussi d’architecture de sécurité collective. Un autre aspect valorisant la sécurité pour la paix dans le monde est de mentionner Atalante, la première opération navale d’ampleur de l’UE contre la piraterie, un clin d’œil pour l’approche globale défense et sécurité militaire et civile, sur laquelle tout le monde n’est pas d’accord au sein du ministère (…) et la logique britannique de protection des convois. « L’ouverture du conseil de sécurité à de nouveaux membres dont l’Inde » est intéressante mais sans donner de critères d’intégration pourtant essentiels, comme nous en avons pour l’UE. Le fait d’envoyer une fusée et d’acheter des avions de chasse n’est certainement pas suffisant. Il n’est pas beaucoup fait état de l’Afrique, soit pour faire oublier cette toute puissance ou cette légitimité que nous avons, soit pour ne pas savoir assumer la représentativité de l’Europe, qui fut néanmoins présente au Mali, alors que nous scandons que nous sommes forts ? Peut-être que la menace n’était pas devenue suffisamment importante au regard des autres pays ? Ou alors, prenons-nous seulement conscience que l’Afrique était autrefois essentiellement colonisée par deux grandes nations et que la communauté malienne est la plus grande en France ? Ou enfin,…faut-il remercier les Chinois de nous avoir laissé faire à l’ONU pour protéger en fait leurs intérêts économiques croissants en Afrique ? Je préfère dire que l’Europe y est allée d’elle-même et me souvenir de ce Malien, me croisant dans une grande entreprise audiovisuelle, et remerciant chaleureusement l’UE pour son intervention en voyant l’insigne étoilé de ... l’IRCE.
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Suite de la partie I
Le livre blanc sur la défense est sorti. Au lendemain d’un séminaire européen de haut niveau où j’ai entendu des militaires européens demander des directives politiques, à l’heure où le Président de la République ne parle que d’Europe, je m’attendais à un livre nouveau, même si le drapeau allemand ne s’est pas baissé, traditionnellement, devant le chef de l’Etat français le jour du 14 juillet.
Par François CHARLES
Economiste, conseil en stratégie et management, ancien responsable d’affaires industrielles Europe et Asie à la DGA, DESS Défense, Président de l’IRCE.
V : L’engagement de la France dans l’Alliance atlantique et dans l’UE. « Non au replis sur soi pour nos seuls intérêts vitaux, non à la sécurité déléguée à l’OTAN, non à la défense européenne intégrée ». Au moins c’est dit clairement. Mais avec peut-être trop de force et sans méthode apparente de pensée raisonnée. Le livre blanc ne fait apparaitre l’OTAN que politico-militaire alors qu’elle est également économique avec des montants financés par les membres pour l’acquisition et la maintenance, voire qu’elle est diplomatique quand sa force elle-même peut dissuader. Tout le monde reconnait par contre que l’OTAN sert à « développer en temps de paix des procédures et des standards communs ». Mais cet aspect est essentiel pour l’interopérabilité des forces et cette normalisation est une arme commerciale dont nous aussi pouvons profiter face désormais à la Chine ; la Corée et le Japon étant déjà aux normes étasuniennes. L’Union Européenne (UE) y apparait commerciale, économique et diplomatique. Là il s’agit sans doute d’un souhait car beaucoup de monde en France attend cette affirmation diplomatique.
Il est fait état de défense intelligente, « smart defence », par optimisation des dépenses militaires alliées par le biais de mutualisation, d’acquisitions internationales et par le financement en commun de capacités alliées. On ne parle évidemment pas de l’effet fédérateur négatif du F-35 pour ne pas heurter nos alliés mais cet exemple devrait vraiment être traité avec courage entre européens, ce qui n’est pas encore le cas. « L’OTAN et l’UE ne sont pas concurrentes ». Elles sont donc complémentaires mais je ne vois ni ne lis les différences. Je ne lis pas non plus qu’il faut savoir profiter de l’OTAN comme d’un effet de levier pour valoriser la coopération européenne et investir en Europe avec l’aide notamment des Etats-Unis et du Canada. Nous sommes finalement peu à avoir voulu et compris l’intégration globale car peu ont vu, surtout des militaires, comment nous pouvions manœuvrer en faveur de l’Europe comme nous avons réussi à le faire pour l’ACCS. « La France dans l’UE » rappelle qu’il faut faire face ensemble et que « la construction européenne en matière de défense est une priorité » (…) mais sans donner la clé qui est de travailler sur des documents uniques mais en communiquant ensuite avec l’identité de chaque nation. Oui, il faut donc faire un livre blanc de l’UE, et oui, la PESC doit être un instrument et non une fin en soi. Oui, l’analyse des risques et des menaces et les conjonctions d’expériences d’actions extérieures doivent être partagées mais il n’est pas fait état de la méthode individuelle et collective. Oui il faut une augmentation de la capacité d’action extérieure mais sans vraie segmentation au-delà de l’accord naval franco-britannique, la notion de défense restera de permanence ou de circonstance. Il fallait bien un paragraphe sur l’OCCAR (organisation conjointe en matière d’armement qui gère les programmes généralement trop franco-ci, franco-ça), sur la consolidation de la Base Industrielle Technologique de Défense (BITD), sur l’Agence Européenne de Défense, et sur la stratégie intégrée. Mais si le fait d’en parler ne résout rien, cela réaffirme certes une notion de politique industrielle parfois abandonnée puis remise en avant mais sans parler d’Europe intégrée ni d’en donner les clés. Nous y reviendrons plus tard.
VI – la mise en œuvre de la stratégie
Le livre blanc de 1972 parlait de dissuasion, celui de 1994 de l’armée de métier, celui de 2008 de l’extension stratégique de sécurité nationale et enfin celui de 2013 réaffirme la connaissance et l’anticipation, la dissuasion, la protection, la prévention et l’intervention notamment à travers le renseignement d’origines multiples, à savoir humaine, électronique et informatique. L’aire toute puissante des drones est arrivée pour l’organisation du renseignement. Mais les avions et les navires sont encore là pour emporter les missiles nucléaires en espérant un désarmement total et son contrôle. On y parle rapidement des problèmes d’eau en Afrique mais n’oublions pas non plus qu’elle est une source de tension réelle à nos portes entre notamment la Turquie et ses voisins arabes. Il est enfin réaffirmé que la France doit et veut se doter des capacités à s’engager dans les zones prioritaires définies que sont la Méditerranée, l’Afrique, le golfe arabo-persique et l’océan indien pour des interventions « seul ou avec alliés » dans tous les domaines ainsi qu’en gestion de crise civile et militaire. J’y rajouterais « dans les limites de certaines réalités et désormais d’options réalistes et réalisables » pour contraster avec notre ancienne politique d’indépendance et du coûte que coûte qui est par ailleurs toujours développée au Japon qui se « réveille » peu à peu militairement.
VII – les moyens de la stratégie
La période 2014 – 2025 se verra allouer 364 Md€ dont 179 pour la loi de programmation militaire 2014 – 2019 qui n’est pas encore sortie et qui empêche certains responsables de la DGA d’intervenir en colloques. Comme je l’écrivais dans un précédent article, il s’agit d’un budget de sagesse qui de toute façon servira comme toujours de variable d’ajustement. Je pense que le salut de consolidation pourra en partie venir de l’Europe avec la création d’une direction générale avec un budget dédié par règlement au-delà d’un service extérieur relié à la DG Relex. La position française revient au premier plan quand on lit qu’il faut « pouvoir entrer les premiers sur un théâtre d’opération ». On parle désormais DU porte-avions, mais sans rappeler que nous ne pouvons plus nous payer un second assurant la continuité du premier et des missions quand il est en entretien de longue durée. Nous devons donc espérer qu’il fera bon ménage dans une force intégrée franco-britannique des deux grandes nations navales européennes où s’affrontent cependant historiquement deux logiques d’interventions différentes. Il est fait état de la rédaction annoncée du format des forces mais sans aucune piste sur l’imbrication qualitative européenne alors que le début de l’ouvrage parle d’ouverture vers la segmentation. La France veut donc une intégration mais ne parle que d’elle, ce qui ne reflète pas le discours politique européen. Le sujet A400M qui n’a toujours pas été vraiment résolu de façon satisfaisante dans sa globalité est LE vrai sujet fédérateur européen du moment. Il semble pourtant être mis sous silence, comme s’il était réglé, notamment sur la maintenance qui doit rester l’élément clé pour une vraie approche européenne afin de ne pas revivre les dérives du TRANSALL. Par contre, la dimension européenne et de sécurité nationale est bien affirmée pour lutter contre le terrorisme, pour la gestion de crise, la continuité d’activité (incluse théoriquement dans la gestion de crise…), la vigilance NRBC et la cyber-sécurité en activant la réserve citoyenne mais sans mettre en avant l’académie de gendarmerie européenne. Enfin, on aborde le domaine des satellites avec Galiléo, vrai autre projet européen qui devrait davantage être mis en porte étendard pour rappeler que la coopération européenne est possible et nécessaire.
A Suivre : partie VIII sur l’industrie de défense et de sécurité
Suite des parties I et II
Le livre blanc sur la défense est sorti. La loi de programmation militaire désormais aussi et qui en suit comme prévu les grandes lignes en annonçant la réduction des forces et confirmant les orientations d’investissement sur le renseignement et la protection contre les cyberattaques, dont le ministère a fait aussi l’objet ce printemps. Dommage qu’il n’y ait pas eu de logique de segmentation européenne confirmant ces choix.
Par François CHARLES
Economiste, conseil en stratégie et management, ancien responsable d’affaires industrielles Europe et Asie à la DGA, DESS Défense, Président de l’IRCE.
VIII – industrie de défense et de sécurité
La partie sur les entreprises est bien présente mais aurait pu aussi faire partie des réalités initiales plutôt que finales pour voir les choses autrement. N’oublions pas que le ministère de la défense assure la tutelle de l’industrie de défense, dont certaines PME jugées stratégique en la mettant sous la coupe de la Direction Générale de l’Armement (DGA) qui tente de détecter et maintenir les entreprises innovantes et doit en permanence prouver qu’elle ne représente pas un surcout en veillant aux bonnes options prises, à la meilleure adéquation et l’interdépendance entre le besoin exprimé par les forces et le besoin spécifique, mesurable, accessible, réaliste, réalisable et déterminé dans le temps (GROW et SMART) en fonction de multiples réalités, laissant ainsi aux Etats-Majors le soin de faire la guerre mais aussi de s’occuper d’entretenir le soutien après un exercice de gestion de configuration amont.
Même si les choix de défense sont des choix politiques, la défense c’est aussi de l’économie. Il est fait état de 4 000 entreprises pour 15 G€ et 150 000 personnes. Souvenons-nous qu’en 1993, déjà pour un chiffre d’affaires voisin, il s’agissait directement de 238 000 personnes, 192 000 en 1995 et 166 000 en 2002 (chiffres DGA). La productivité, la technicité et peut-être d’autres réalités sont passées par là.
Je lis qu’il « faut conduire une analyse des activités de maintenance pour séparer le maintien pris en charge par l’industrie » mais sans dire vraiment que nous tâtonnons encore entre plusieurs modèles. Nos premières réflexions et actions structurelles datent de 2002 et n’ont toujours pas apparemment conduit à des décisions efficaces sur le modèle économique de la face immergée de l’iceberg qui est vite oublié en temps de crise où il faut « mettre le paquet » en misant sur une guerre rapide sous peine d’asphyxie de surcout, de manque d’approvisionnement et de remontée des problèmes quotidiens. Sommes-nous disposés à travailler à « livres ouverts », à « couts objectifs » et à « bonus et malus » pour un objectif commun ? Les industriels le sont sans doute davantage que l’Etat comme je l’avais fait remarquer il y a quelques années. La thèse sur le modèle de maintenance aéronautique militaire européen poursuit son chemin et est plus que jamais attendue. A-t-on valorisé que le soutien européen au Mali s’est fait par la logistique et que les personnels sont largement dépendants du matériel ? Et donc ne conviendrait-il pas de donner désormais une place stratégique au Maintien en Condition Opérationnelle ? Ce que je n’ai pas écrit dans la revue de défense nationale pour le moteur du Tigre est la persévérance qu’il m’a fallu développer avec certains de mes directeurs pour parvenir à harmoniser la maintenance franco-allemande entre industriels et étatiques à la grande surprise de la DGA, avouée en aparté. « Ils ont réussi ! » comme si c’était un miracle car non réalisé par les « concepteurs » qui ne se sentent souvent juste concernés que par un stock initial et qui savent peu que la fabrication et la maintenance sont deux métiers différents mais qui peuvent être complémentaires si un facilitateur intervient. La réussite des négociations de l’ACCS n’en était pas un non plus : il s’agissait de négociation « raisonnée », rien de plus. La maintenance a aussi besoin d’ingénierie et d’identité et les salons en Aquitaine en 2012 ou le symposium en Bourgogne en 2013 ont été des vecteurs de valorisation et de prise de conscience qu’il convient d’entretenir au-delà des clivages. Selon un des gestionnaires de crises de l’A400M, le dossier a été bouclé en trouvant le meilleur compromis. Je rajouterais « parcellaire ». La face cachée de ce bel avion devient une vraie problématique, comme pour le NH-90. Ils sont pourtant des vecteurs d’intégration européens. Mais tenons-nous vraiment à en sortir quand les propositions de chaire de recherche en maintenance ne sont pas considérées ? Enfin, la sempiternelle vraie question reste le risque humain et économique de l’implication ou non de civils au plus près des combats et qui perturbe l’unicité d’un modèle économique.
Les nouveaux passages sur l’AED et l’OCCAR ne sont pas reliés à la maintenance alors que l’on sait que la réussite passera dans le maintien de la gestion de configuration et du parc de maintenance. Mais le plus gros effort sera sans doute mental pour certains militaires : celui d’accepter de se servir d’un moteur ou d’une pièce quelque soit son origine du moment où elle a été revalidée, comme dans le civil.
Une nouvelle incohérence avec d’autres paragraphes, mais plaisante cette fois, est le rôle économique et stratégique donné désormais à l’OTAN. Il est sous-entendu le rôle croissant de la NSPA (Nato Support & Procurement Agency, ex NAMSA) où, une fois n’est pas coutume, l’acquisition rejoint le soutien, tel un modèle, enfin, nouveau.
Puis vient un paragraphe sur les exportations avec une demande de « simplifier et hiérarchiser les procédures, notamment afin de réduire les délais de traitement des demandes. Les contrôles des transferts entre les pays européens engagés dans des programmes de coopération devront être abolis » en notant que les transferts intracommunautaires ne représentent plus vraiment de risque majeur pour la sécurité nationale, comme l'illustre le très faible nombre de refus de licences. Notons que la France a été à l'origine, en 1998, avec le Royaume-Uni, de l'adoption d'un code de conduite européen en matière d'exportation d'armements transformé en décembre 2008 en une « position commune » du Conseil de l'Union européenne. Donc élan européen mais hélas consolidation et contradiction quand le livre, puis d’ailleurs ensuite le Sénat, se félicitent que la délivrance des autorisations restera sous le contrôle de chaque État membre et quand on souligne que la directive ne s'accompagne pas d'un transfert de compétence au niveau européen du contrôle des exportations d'armements, comme si la France ne voulait céder son pouvoir d’arbitrage ni accéder au consensus. Ce n’est pas de cette façon que nous obtiendrons un chapeau régalien fédéral qui donnera une Europe forte. Certains sont en attente sur l’initiative de la Commission Européenne concernant l’industrie de défense européenne avec une approche spécifique quant à l’article 346 TFUE au sujet de la souveraineté des Etats. Il est souhaitable qu’elle conduise à des interventions « européennes » et au Buy European Act plutôt qu’à des contrôles de ce que fait tel ou tel Etat, tout en reprenant « l’interdiction sauf » à la française.
On parle enfin de la Directive « marché interne » 2009/81/CE alors que c’est cette dernière qui pourra faire évoluer les coutumes et mentalités au sein de l’Union pour être plus forts à l’extérieur en cassant les protectionnismes de certaines nations qui seront bientôt portés à la connaissance des instances européennes pour ne pas décourager nos entreprises.