la théorie du pissenlit
Un jour, un jardinier croise un pissenlit. — Monsieur le jardinier, je connais vos intentions, lui dit ce dernier. Si l’on vous emploie, c’est bien sûr pour votre savoir-faire. Écoutez cependant mes doléances : si le maître de maison était passé, il m’aurait coupé et non déraciné comme vous vous apprêtiez à le faire. Sans doute par manque de temps, voire par ignorance. Il ne sait pas que pour se débarrasser de moi, il faut m’arracher avec les racines. À quoi servirez-vous si vous n’aviez plus à vous occuper de moi ? Laissez-moi pousser tout en me surveillant. Je produirai de plus belle et vous donnerai l’occasion de conquérir les égards de la voisine qui possède ces nombreux lapins. Elle vous en offrira sûrement un aux étrennes. tiré des Fabliaux du Management par François CHARLES À ces paroles pleines de promesses, le jardinier répond : — Soit. Mais considère que tu n’es qu’en sursis et à l’essai. Tout pissenlit que tu sois, ta place n’est normalement pas ici dans le jardin, et du coup je risque la mienne. Sur ces mots, le jardinier coupe le pissenlit. Enseignement Une action non effectuée ou effectuée différemment peut ne pas être le fruit du hasard, s’il convient de faire réapparaître les facteurs déclenchants. De même, la confiance n’exclut pas le contrôle. Cette fable est le fruit d’une conversation avec un haut responsable industriel, qui se reconnaîtra sans doute et à qui je rends hommage. Nous cherchions à illustrer certaines méthodes de prise de décision après la découverte, souvent par hasard, d’un dysfonctionnement. FABLES ET TABLEAUX CHOISIS 3 1 Les fablaiux du managent•MEPok 10/06/03 17:14 Page 31 Par exemple, dans une entreprise possédant trois divisions de fabrication, A, B et C, chacune correspondant à un centre de profit et de coût, vous vous apercevez que la division A réoriente peu à peu son activité sur les mêmes produits que la division B. Que devez-vous faire ? — Réponse a : vous convoquez tout de suite le directeur A (et B pour l’en informer) et mettez un terme à cette aventure. Vous arrachez le pissenlit. — Réponse b : vous décidez profiter de la situation. Vous demandez à A un rapport (vous coupez le pissenlit), vous laissez faire en observant (et le laissez repousser en analysant la situation) dans le but soit d’arrêter l’aventure A mais d’en faire profiter B, soit de transférer le savoir-faire B sur A. Imaginez un centre d’attraction possédant un bassin de dauphins et un bassin d’orques. Certaines des figures sont accomplies dans les deux bassins. Le spectateur risque d’être déçu par le manque de diversité des numéros. Le manager général en est-il conscient ? (Ce n’est pas forcément le cas.) Il pourra en tout cas décider que certains exercices réalisés par les dauphins le seront dorénavant par les orques, de façon plus spectaculaire, sans pour autant discréditer le travail accompli par l’équipe des dauphins. Et vous ? Que faites-vous devant vos pissenlits ? LES FABLIAUX DU MANAGEMENT 32