Le modèle économique « social et solidaire » des vide-greniers
Après avoir fait quelques vide-greniers pour vider ma maison, j’en parcours désormais régulièrement pour la regarnir de produits utiles ou de coups de cœur chargés d’histoire à des prix défiant toute concurrence au grand désarrois de certains créateurs, artistes ou commerçants. Mais plus qu’une opportunité d’achat lors d’une balade dominicale, ces événements sont souvent devenus économiquement et socialement nécessaires.
Par François CHARLES
Economiste, coach, conseil, formateur, auteur en stratégie et management
Autorisés et réglementés par l’Etat de façon bienveillante et donc non souterraine, fondée sur le refus du profit puisque vente bradée garantissant ainsi échange et niveau de vie et veillant à ce que l’ensemble de la société en soit pas soumise à la logique du marché et du profit , les vide greniers, brocantes, braderies ou autres appellations rassemblent à la fois particuliers s’installant sur le trottoir ou le stade de leur village une fois par an, d’autres profitant d’autres occasions pour le faire plus souvent et enfin certains professionnels qui se regroupent souvent pour éviter la concurrence imparfaite des particuliers qui cassent les prix puisqu’ils ne cherchent pas le profit.
On trouve de tout et pour tous besoins et toutes destination : du particulier de toute nationalité avec leurs enfants pour l’argent de poche, à celui qui cherche à améliorer l’ordinaire ou même à survivre, au professionnel cherchant à gagner sa vie, faisant souvent un autre métier en complément. Ils sont organisées par des associations qui tiennent buvettes et font payer un mètre linéaire, voire, rares, qui font payer les visiteurs affichant peut être aussi un certain positionnement des vendeurs présents. Chaque village et petite ville essaie d’avoir le sien entre avril et octobre en espérant qu’il fasse beau ce jour là, sur quelques centaines de mètres voire de kilomètres pour l’extrême braderie de Lille.
On y déballe très tôt, on s’y fait dévaliser à la lampe torche aussitôt arrivé par les professionnels et collectionneurs, on y déjeune souvent de façon conviviale, on n’affiche pas les prix pour vendre à la tète du client, on y offre parfois un verre aux bons clients, certains marchandent automatiquement quand d’autres achètent sans broncher sur un coup de cœur ou sachant souvent combien ils revendront ensuite en ville ou à des clients ayant fait une demande particulière.
Les prix sont beaucoup moins cher qu’en magasin, que sur Ebay ou le bon coin ou autres sites spécialisés et parfois divisés par 10 pour du quasi neuf sachant aussi que dès que vous mettez le pied dans votre voiture neuve, elle perd déjà plus de 10%... Vous trouvez par exemple un disque pour 50 cts, un cadre ou un outil pour 1 euro, une malle pour 2, une litho ancienne pour 5, un costume ou un jean pour 10, un service à café pour 20, un carillon pour 40, un miroir à 50, une vieille horloge à mercure ou un robot ménager de luxe pour 100, une machine industrielle pour 150 et certains articles bien au-delà. Les produits sont rutilants ou non nettoyés, rangés ou en vrac. On y accepte surtout les espèces mais aussi les chèques et le troc. On peut se prendre au jeu et dépenser des sommes folles ou faire comme au casino, partir avec un billet de 20 euros et s’y tenir tout en aillant le carnet de chèques à portée au cas où…
En tant que doctrine économique, l’économie sociale a pour finalité de rendre des services à la collectivité et/ou leurs membres et non de faire du profit. Le modèle des vide-grenier est une sorte d’économie sociale et solidaire dans le sens où il permet, de façon limitée, à des particuliers de débarrasser leur maison mais aussi d’améliorer leur situation économique. L’économie solidaire, non marchande repose sur les relations de réciprocité et de proximité nécessaire à la cohésion sociale. Les politiques s’en servent aussi au même titre que sur les marchés pour rencontrer leurs électeurs et parler de leurs problèmes et de leurs rêves. Cette économie répond généralement à une demande non fournie ou fournie trop chère par les productions locales. L’achat de produits neufs peu chers réalisés en Asie ou autre pays exotique correspond notamment à ce marché et permet à certains ménages de pouvoir vivre correctement. Certains vendeurs écoulent d’ailleurs ces produits sur les vides greniers en vendant tout à un euro.
L’Etat pourrait aussi créer ces produits en France en employant à conditions particulières pour des prix particuliers plutôt qu’en donnant des indemnités, dans des entreprises à capitaux étatiques ensuite revendues une fois rentables, voire en favorisant ces structures.